[Marius Sheffield m'a donné son libre.]
Il faisait froid, quelques lampadaires de rues transcendaient la nuit ténébreuse. Un homme, plutôt maigre et à la démarche droite, se dépêchait de rejoindre sa maison d'enfance, sans se soucier du calme environnent, ni du vent tiède de fin d'hiver.
Quelque chose allait se passer, dans ce quartier calme, ou du moins dans ses alentours. Le calme avant la tempête...
Comment allait-il réagir en apprenant cette nouvelle ? Bien. Il ne pouvait que réagir bien. Ils se connaissaient depuis toujours, ce n'étaient en fait que deux frères séparés par des temps difficiles. Marius était sa seule famille, il ne pourrait pas l'abandonner.
Mogg était arrivé dans une clairière assez éloignée de voisinages et magasins moldus. Il n'y avait plus de lumière, seule une vieille bâtisse abritait une lueur de vie. Lucifer y entra sans frapper, la porte n'avait plus de poignet.
- Marius ?...
- Je viens juste de recevoir ton hibou. Qu'est-ce que tu as de si important à me dire ?
Cette voix avait surgi de nul part, si ce n'est derrière le dos du professeur de potions. Sheffield, le visage émacié par la fatigue et l’appréhension, détourna son confrère et s'assit dos à lui, sur le fauteuil pourpre du salon.
*Bonjour, ça faisait longtemps qu'on s'était pas vu, comment tu vas depuis la mort de ton oncle ?*
- Où tu étais passé depuis tout ce temps ? Est-ce que tu es au courant, au moins,
que ton oncle est mort ?...
- Oui.
Lucifer resta à l’encolure de la porte menant à la pièce principale, ses mains froides blotties dans les poches de sa cape noire.
Un moment de silence pensif passa, jusqu'à ce que l'homme assis devant la cheminée le brise. Des reflets de flammes rouges frémissaient dans ses yeux noirs, ses deux mains se joignaient sur ses genoux. Son rival se rapprocha de derrière lui, il le sut grâce au bruit sourd de ses chaussures sur le tapis de velours.
- Changement de plan, Marius. Je quitte l'Ordre des Mangemorts.
Un mouvement de tête sur le côté trahit le désarroi soudain du dénommé Marius, qui serra fermement les poings.
- Ne dis pas n'importe quoi. Il est tard, rentre à Poudlard.
Ces mots jetés maladroitement ne servaient en fait qu'à essayer de sauver son ami passé. Il se sentait abandonné. Ne partageaient-ils plus les mêmes idéologies ? Dans ce cas... Il fallait suivre la marche imposée, irrémédiablement.
- C'est ce que mon père voulait. Il me l'a dit dans une lettre, avant sa mort. Marius, il est encore temps pour toi de me suivre et d'avoir une vie tranquille avec ta famille. Cette bataille est perdue d'avance, tu le sais au fond de toi.
- Ha ! Tu délires, cher frère. Quant à ma famille... J'ai enfanté une femme sang-de-bourbe... Mon fils est donc aussi ignoble que sa mère.
Le visage du Mangemort se crispa, jusqu'à ce que ses yeux ne deviennent que deux fentes d'où sortirent des larmes chaudes.
- T-tu... Tu as sûrement trop bu...
- J'ai été trompé. Par deux fois...
Sheffield se leva lentement, puis se tourna en direction du sorcier.
- Une fois par Sofia, et une autre fois par toi... Toi qui m'annonce que tu comptes aider des Sangs-de-bourbe à souiller la société des Sorciers.
- Non... Non ! Marius, je veux juste... vivre.
Lucifer recula légèrement, redoutant de plus en plus les réactions du Mangemort. Sofia avait donc accouché d'un garçon, il ne le savait même pas, et pourtant c'était son neveu.
- Vivre... Avec cette petite fille ? Un rire tonitruant résonna parmi les grincements de plancher et les nombreuses fuites d'eau de la maisonnée. Mais mon Lulu, tu ne pourras jamais vivre avec elle.
De rage, Mogg décida de tenir tête à son ami. Ce n'était pas dans son habitude, en temps normal il serait parti sans broncher.
- Ah oui... Et pourquoi ?
- Et bien, pour la simple et bonne raison qu'elle a décidé de s'enrôler dans notre noble cause.
- Tu mens... Et même si c'était la vérité, il me suffira de lui faire entendre raison.
Le visage de Sheffield perdit soudain tout éclat. Et si Lucifer réussissait son coup ? C'était peu probable, peu de Mangemorts étaient sortis des rangs vivants, mais cette perspective le titillait, le rendait même jaloux. En face de lui se trouvait à présent un étranger.
- Non. Tu ne pourras jamais t'en sortir vivant. Von Gotha te tortura, il te tuera de sang froid, j'en ai la certitude.
- Alors je mourrais, en essayant de tenir mes engagements.
- Tes engagements ? Ce ne seraient pas plutôt ceux de ton père, mort de la main d'une personne avec qui tu veux t'allier ?
- C'est ce qu'il voulait. Et moi je veux Alice.
- Dans ce cas, tu ne me laisses pas le choix... Je préfère que tu meurs maintenant. De ce fait tu garderas ton honneur.
- Ça fait longtemps que je l'ai perdu.
Dans un tourbillon d'éclairs rouges, verts et blancs, le salon devint champ de bataille. Lucifer essayait de tenir bon devant son adversaire de taille. Marius était un duelliste hors pair. Le visage d'Alice Von Gotha le déconcentra un instant, il y perdit sa baguette, avant de se retrouver projeté contre un vieux meuble dans un fracas insoutenable.
- Je suis désolé Lucif', je ne voulais pas que ça se termine de cette façon, mais je ne pouvais pas te laisser faire ça.
Mogg voyait sa fin venir... Il ne pouvait déjà plus bouger, et Marius se tenait au-dessus de lui.
- Tu rêves de ce moment depuis que j'ai cette marque sur mon bras, lança le professeur en souriant paisiblement. Il agrippa le col de Sheffield et l'approcha de son visage, afin qu'il puisse entendre ses dernière paroles. Dis lui au moins... Dis lui que je l'aime.
La baguette de l'homme en noir fendit l'air, la pièce disparut dans un éclair vert aveuglant, et Lucifer Mogg soupira pour la dernière fois, au moment où sa sagesse était à son apogée.
