Foutu devoirs de merde. Est-ce que l'histoire de la magie les aiderait à progresser dans le monde adulte ? Non. Est-ce que l'histoire de la magie les aiderait à se défendre contre des menaces imminentes ? Non. Est-ce que l'histoire de la magie les aiderait à gagner en mâturité ? Non, non et non. Cette matière - avec la botanique - était LA matière par excellence qui ne servait à rien, si ce n'était les faire chier au plus au point. Athalie avait quelques théories là-dessus, dans le genre d'une vengance de la part des profs envers les élèves, ou quelque chose comme ça... Quant-au prof qui enseignait ladite matière, on faisait pas plus ennuyant. A croire qu'il se faisait chier lui-même.

Alors que la Serpentard faisait mine de travailler pour se donner bonne conscience, la porte s'ouvrit doucement pour faire apparaître son Jared en besoin d'amour. Il passa la tête dans l'entrebaillement de la porte, hésitant, comme pour vérifier qu'elle était seule. Et elle l'était. Heureusement pour lui d'ailleurs, parce que si Alice avait été là, elle ne se serait probablement pas gêner pour le refouler comme pas permis : « Qu'est-ce que tu fous là, Stern ? T'as rien d'autre à faire ? T'es peut-être préfet, mais je n'hésiterai pas à TE coller une retenue si tu continues à squatter le dortoir des filles. Oui parce qu'au cas où tu n'aurais pas remarqué, c'est le dortoir des F.I.L.L.E.S, qu'est-ce qui va pas chez toi ? Oh mais oui, j'oubliais : le sang moldu... »

- Thalie ?
- Jared ?

Celui-ci entra sans aucune permission pour venir se joindre à la blondiette assise sur le lit à baldaquin. Il s'allongea à la suite, fixant un point devant lui, les bras croisés derrière la tête. Elle resta plantée où elle était, sans bouger, le livre toujours ouverts dans ses mains, alors qu'elle se demandait ce que le garçon était venu faire. Non pas qu'il n'avait pas l'habitude de venir ici, tout au contraire. En fait, c'était un peu comme sa deuxième chambre et il y passait même énormément de temps. C'est juste qu'elle savait quand il venait, c'était des habitudes qu'ils avaient prit, maintenant. Mais il n'arrivait pas souvent à l'improviste. Non, il la prévenait, habituellement...

- Thalie, j'en ai marre. Pourquoi j'suis pas normal ?

Athalie fronça les sourcils tout en inclinant la tête. Comment ça "pas normal" ? Durand n'était pas normal, Beber n'était pas normal, mais Jared ? Elle ferma le livre Ô combien intéréssant avant de reporter son attention sur le Serpentard, se postant à ses côtés, genoux et paumes contre le matelas. Elle se pencha légerement vers son compagnon, face à face, vrillant ses yeux verts, similaire aux siens.

- Si par « pas normal » tu entends « unique », alors oui, tu n'es pas normal.

Elle lui fit un grand sourire qui se voulait rassurant. Lui qui était si plein de vie d'habitude, avait l'air complètement anéanti. Pourquoi ? Elle n'en savait rien. Mais son état ne datait pas d'aujourd'hui. Elle remarquait bien qu'il ne se comportait pas comme la plupart du temps, et ce changement d'attitude s'était particulièrement marqué ces derniers jours. Quand il venait la voir, il ne parlait plus avec elle, si bien qu'elle avait cette impression un peu vexante qu'il l'utilisait comme simple moyen de "consolation". Mais elle savait que c'était autre chose, parce qu'elle le connaissait mieux que personne et qu'elle savait qu'il n'était pas comme ça. Il était bien le seul à se comporter aussi correctement avec elle, finalement. Elle n'avait pas osé lui faire part de ses impressions parce qu'elle savait que ça ne lui plairait pas et surtout, qu'il se braquerait. Hors, elle détestait se quereller avec lui. Elle avait esperé que son état s'améliore mais apparemment, ce n'était pas le cas.
Mais elle était heureuse qu'il vienne enfin lui parler.

- Jared, qu'est-ce qui ne va pas ?

Son ton trahissait son inquiétude et c'était tout sauf ce qu'elle voulait. Elle aurait aimé lui redonner le sourire mais pour ça, il fallait qu'elle sache ce qu'il avait. Peut-être qu'il abusait un peu de ses produits, aussi... Mais ça, c'était une autre histoire. Elle promena ses doigts dans ses boucles brunes sans quitter son ami du regard.

- Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai ?

Comme à son habitude, Jared se mit à jouer avec une mèche de ses longs cheveux blonds.

- Ouais, Thalie. Je sais que je peut tout te dire. Seulement...
- Seulement..?

Elle se sentait coupable de ne pas être à la hauteur. Depuis quand avait-il peur de se confier à elle, hein ? C'était si inhabituelle, venant de lui... Elle avait cette impression qu'elle avait fait quelque chose de mal, un truc de travers et que maintenant, SA confiance était remise en question. Et c'était loin d'être ce qu'elle voulait. Lui, avait toute sa confiance, son entière confiance, l'un des seul à la posséder, d'ailleurs. Alors pourquoi doutait-il ? C'était elle, le problème ?

- C'est juste que... Je sais pas. Des fois tout va bien et l'instant d'après, c'est la guerre dans ma tête.

C'était dingue comme elle se reconnaissait dans Jared. Peut-être que c'était ça qui faisait que leur relation était plus que fusionnelle. Ils était si semblables et se complétaient parfaitement à la fois. Mais ce garçon-là n'était pas celui qu'elle connaissait le mieux et elle détestait ça. Parce que le préfet d'habitude si souriant et plein de vie changeait et elle ignorait quelle en était la cause. Elle voulait savoir mais elle l'ignorait.

- Et des fois, je me sens super mal mais deux secondes plus tard, c'est la meilleure journée du monde... J'ai l'impression que tout m'échappe, tu vois ?

*Je vois...*

- Je sais même plus ce que je suis censé ressentir. Je suis paumé, Thalie. Rien que maintenant c'est contradictoire dans ma tête. Je suis encore triste mais en même temps, je suis avec toi et ça, c'est pas triste du tout... Je devrais être content et je le suis mais en même temps...

Il devenait lunatique... Tout comme elle. Remarque, son caractère, à elle, c'était calmé ses dernières temps. Et c'était comme si les rôles s'inversaient. Sauf que sa lunaticité, à lui, avait presque l'air de tourner aux troubles bipolaires. Et elle refusait que ça lui arrive. Sa bonne humeur prendrait le dessus, parole de Serpy.

*Pour ce que ça en vaut... Ta gueule.*

- Putain.

Bien dit. Il avait tout juste et c'était à peine s'il ne lui avait pas retirait le mot de la bouche.
Jared se frotta doucement les yeux et il ressemblait plus que jamais à un enfant innocent. Il était si mignon et attendrissant, un sourire en coin ne put s'empêcher d'apparaître sur les lèvres d'Athalie qui avait incliné la tête en l'observant.

-Et puis tu vois, je me sens nul. Et inutile. Et puis je sais pas si... Enfin...

*Bordel.*

Elle détestait quand il faisait ça : ne pas trouver ses mots. Parce qu'elle détestait ne pas savoir ce qu'il pensait, tout simplement. Et même s'il s'était livré à elle et qu'elle n'en avait pas esperé tant, elle aurait aimé qu'il se sente mieux, après ça. Mais elle savait que ce n'était pas le cas. Pas entièrement, du moins.

- En fait, je veux juste un câlin.

Elle sourit.
Et avant même qu'elle ne réagisse à ses paroles, Jared renversa Athalie d'un simple geste alors qu'elle basculait sur le dos et qu'il se positionnait juste sur elle, la soumettant à son emprise tandis qu'il passait ses bras autour d'elle.

- C'est bien, les calîns.

*Putain.*

En effet, c'était bien les calîns. Le sexe, c'était mieux. Et elle jurait intérieurement contre elle pour ne serait-ce que penser ce genre de choses alors que SON ami se sentait si mal. Ce n'était pas le moment pour ça, pas vrai ? Elle souffla bruyamment alors qu'elle pestait encore sur ses hormones auxquels elle priait de la fermer.

D'une main, elle tourna la tête de Jared vers elle, prenant son menton entre son pouce et son index alors qu'elle le priait silencieusement de la regarder. Elle voulait tant qu'il se sente mieux, maintenant. Que sa compagnie l'aide, mais rien que ça n'avait pas l'air de marcher. A son tour de se sentir inutile... Elle n'était même plus capable de remonter le moral de son condisciple et elle s'en voulut pour ça. Elle se mordit brusquement la lèvre inférieur tout en détournant le regard alors qu'elle fronçait durement les sourcils. Si elle ne pouvait rien faire pour lui, qui le pourrait ?

Un léger et énième soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'elle se remit en quête du regard de son ami. Une fois trouvé, elle l'encra dans le sien, juste avant de poser un chaste baiser sur le coin de ses lèvres.

- Je suis là, moi, indiqua-t-elle.

Dans un mouvement habile, elle retourna Jared sur le sien et elle par la même occasion, de sorte à ce que les rôles s'inversent. Elle avait prit le dessus, au sens propre du terme.
Elle se redressa, en position assise sur sa taille, les jambes de chaque côté de son buste, mains posés contre le torse du jeune homme.

- Tu n'es pas inutile, Jared. La preuve, qu'est-ce que je ferais sans toi, hein ?

Est-ce qu'il y avait pensé, à ça ? Comment pouvait-il se croire inutile alors qu'elle avait besoin de lui plus que quiconque ? Elle n'était pas égoïste. Elle avait juste besoin de lui, autant qu'il avait besoin d'elle, elle le savait.

- Je t'en prie, ne sois pas triste... Tu n'as pas à l'être, murmura-t-elle doucement alors qu'elle hôchait négativement la tête.

Putain, est-ce qu'il était dépréssif, bordel ? Elle n'en avait pas envie. Elle ne voulait pas que ça lui arrive à lui, il se remettait assez en question comme ça, c'était déjà bien suffisant. Il ne pouvait tout simplement l'être ou le devenir, peu importe, il fallait qu'elle fasse quelque chose. Et si pour ça, elle devait rester avec lui chaque minute, elle le ferait.

- Et arrête de prendre toutes ces conneries. C'est pas bon pour toi...

Oui, ça sonnait comme un ordre et c'était le cas. S'il fallait aussi qu'elle se mette à le surveiller pour qu'il stoppe tous ces trucs, elle n'hésiterait pas. Et il avait beau l'avoir entrainer dans ce merdier plus d'une fois, elle était persuadée que ça lui faisait beaucoup moins d'effets qu'à lui.

Jared se cachait. D'elle ? Elle ne saurait dire, toujours était-il qu'il se cachait, il instaurait comme une barrière invisible entre eux qu'était ses mains, comme s'il refusait de voir le monde autour de lui, de la voir elle, simplement. Il semblait en pleine réfléxion, en plein débat contre lui-même et Athalie ne pouvait même pas cerner ce à quoi il pensait exactement. C'était minable.

Et quand le Serpentard lui fit enfin face et dévoila son regard, elle se sentit pousser sur le côté et lui qui... se repliait sur lui-même. Alors quoi ? C'était ça, maintenant ? Il la refoulait ? Il la rejetait ? Il la repoussait ? Elle n'avait plus sa place ici, peut-être ? Ne voulait-il plus d'elle ? Elle se sentait carrément mise à l'écart et elle détestait ça. Comment pouvait-il agir ainsi avec elle, alors qu'il savait qu'elle serait toujours la pour lui ?

Elle sentit son coeur se serrer quand elle vit que son ami avait gardé les yeux fermé. Pire, qu'il se bouchait maintenant les oreilles, comme incapable de faire face au bruit du silence qui l'entourait.

Alors Athalie déposa doucement - de peur de lui faire peur - une main sur l'épaule de Jared, toujours recroquevillé sur lui-même. Elle ne voulait pas le brusquer, lui dire quoique ce soit qui empirerait son état, alors elle attendit, attendit que ce soit lui qui fasse le premier pas, combien même elle savait que c'était dur pour lui.

Mais elle reprit espoir lorsqu'elle entendit son souffle redevenir régulier et son corps se détendre ne serait-ce qu'un peu. Elle avait réussit à l'apaiser un tant soit peu et elle en était secrètement fière - tout n'était peut-être pas perdu. Et peut-être qu'il avait encore besoin d'elle.

Le garçon laissa tomber ses mains, libérant ainsi son ouïe et les passa par la suite sur son pâle visage. Après cela, il accrocha son regard dans celui d'Athalie, un regard si bouleversé que celle-ci en eut un pincement au coeur.

Puis il referma les yeux, ce que la Serpentard ne souhaitait pas le moins du monde. Elle s'allongea à ses côtés et caressa d'une main, la joue de son ami :

- Regarde-moi.

Elle ne voulait pas qu'il la fuie, elle refusait qu'il ait peur de s'affirmer, de soutenir son regard.

- Jared, regarde-moi.

Son ton révélait une certaine autorité mais c'était le seul moyen de le faire réagir. Si elle était trop douce avec lui, elle savait qu'il sombrerait encore plus. Et quand il ouvrit les deux yeux, elle lui sourit tristement. Elle détestait le voir dans cet état. Que s'était-il passé en si peu de temps ? Qu'est-ce qui avait changé ?

- Je veux que tu me promettes une chose.

Elle ne lâchait pas Jared du regard, comme si un banal clignement des yeux le ferait s'échapper. Elle entreprit de passer une main dans ses cheveux bruns, sans se départir de son maigre sourire.

- Que quoiqu'il arrive, ce sera toujours nous deux. Nous deux, contre le monde entier.

*Je suis là, moi aussi. J'existe.*

Elle était presque inquiète, maintenant. Effrayée à l'idée qu'il puisse décliner cette "invitation", cette promesse qu'elle désirait voir sceller à jamais. Et elle était à peu près sûre qu'il avait décelé les tremblements de sa voix. Comme s'il avait besoin de savoir qu'elle avait peur, elle aussi... stupide orifice buccal.

- Promets-le moi, murmura-t-elle.