Elle ne savait pas vraiment comment elle en était arrivé là, comment elle avait pu en réchapper une fois encore. Une réaction d'auto-défense de sa schizophrénie désormais morte, une implosion, aucun d'entre eux ne s'en étaient tirés indemnes, pas même elle. Elle portait juste cette malédiction de survivre à tout, de tout perdre et de contempler sa déchéance du haut d'un piédestal en ruine... Alors elle courait, étrangement vite par rapport à sa maigreur maladive et ses blessures. Elle ne savait pas comment, ni pourquoi, mais elle suivait son instinct à travers des ruelles qu'elle connaissait si peu. Elle courait à Lui, c'était tout ce qu'elle savait. Elle courait à Lui, car Il restait étrangement le seul élément stable qui lui restait.
A bout de souffle, une lumière rouge, un croassement, elle s'en alla contempler un mur au bout d'une impasse où tous les sons semblaient assourdis, où la guerre sans sens n'était qu'une toile de fond, où sa guerre personnelle semblait trouver une sorte de repos. Elle L'entendit claudiquer dans son dos, elle savait, elle savait qu'Il était vivant, qu'il ne pouvait pas en être autrement car elle ressentait ce genre de chose. Il apportait avec Lui les relents putrides d'une guerre absurde loin d'être la leur, loin d'être plus qu'un simple décor à ce qu'Ils étaient, à leur Histoire.
Tout semblait si calme. Son rire sans joie atroce recouvrit le bruit étouffé des sirènes et des batailles, et Alice sourit, enfin heureuse, enfin à Lui et Lui à elle, levant son regard vairon vers le ciel enfumé.
"Alice, tu m'as désobéis."
Elle le savait. Elle ferma les yeux, le visage toujours levé, et toujours souriant d'un bonheur absolument innocent. Enfantin. Et les rouvrit en le sentant plus proche, croisant une dernière fois son regard tout aussi dépareillé que le sien.
"Tu nous as trahis."
Ses mots étaient faux et sans importance, une dernière excuse qu'il se donnait pour justifier la passion létale qui les liait, qui n'avait jamais été si forte qu'en cet instant même où leurs cerveau ne semblait n'être qu'un. Ils savaient, et Alice l'accueillait comme son dû.
Il l'enlaça brusquement, sa respiration calme soulevait ses cheveux, tandis qu'elle se laissait aller à Sa dernière caresse. Elle était sienne, personne ne leur enlèverait jamais ça.
"Tu nous as tués, mon amour."
Elle sourit, heureuse. Sienne jusqu'à l'ultime instant, et son souffle s'éteignit doucement sous la pression de ses doigts fins, alors que s'immisçait en elle, enfin, la certitude qu'il était sien également.